Depuis le début de l'année 2025, Bruxelles est en pleine réflexion sur le prochain Cadre Financier Pluriannuel (CFP) qui succédera à celui de 2021-2027. Ce futur CFP sera déterminant pour orienter les priorités budgétaires de l'Union européenne (UE) dans un contexte de défis économiques, environnementaux et géopolitiques croissants.
Le Cadre Financier Pluriannuel, ou Multiannual Financial Framework en anglais, constitue le budget à long terme de l'UE. Il joue un rôle crucial en définissant les plafonds de dépenses pour les différents domaines politiques européens. Établi en fonction des priorités de l'UE, le CFP couvre une période minimale de cinq ans, bien qu'il soit généralement fixé pour une durée de sept ans. Le cadre financier permet également des ajustements en cours de période pour répondre à des besoins imprévus ou des crises, assurant ainsi une certaine flexibilité face aux défis émergents.
Le CFP finance des politiques majeures telles que l'environnement, l'économie, la sécurité des frontières extérieures, et bien d'autres. Par exemple, il soutient des programmes emblématiques comme Erasmus+, qui facilite notamment la mobilité étudiante et universitaire à travers l'Europe, et Horizon Europe, qui finance la recherche et l'innovation.
Il encadre les budgets annuels de l'UE, qui doivent impérativement respecter les plafonds qu'il impose, permettant ainsi une meilleure prévisibilité des dépenses européennes.
Le processus d'adoption du CFP commence par une proposition de la Commission européenne, qui est attendue le 16 juillet 2025. Ensuite, le Parlement européen et le Conseil de l'UE l'examinent. Un accord politique est nécessaire au Conseil européen entre les chefs d’Etat et de Gouvernement des 27. Cet accord est transposé juridiquement par le Conseil des ministres. Pour son adoption, l'unanimité du Conseil est requise, ainsi que l'approbation à la majorité du Parlement européen.
Le CFP actuel couvre la période 2021-2027, avec un budget total de 1 270 milliards d'euros. À cela s'ajoutent 807 milliards d'euros provenant du plan de relance Next Generation EU.
Le financement du CFP repose sur les ressources propres de l'UE. Les principales sources de financement incluent les contributions des États membres, les droits de douane, ainsi qu'une partie de la TVA. Ce cadre financier est essentiel pour assurer la stabilité et la continuité des actions de l'UE sur le long terme.
Cette année, les discussions à Bruxelles sont marquées par de nombreux défis qui complexifient l’élaboration du prochain CFP. Le premier d'entre eux concerne le remboursement de l'emprunt contracté pour financer le plan Next Generation EU, mis en place pour soutenir la reprise économique post-Covid-19. Ce remboursement pèse lourdement sur les finances de l'UE et nécessite une planification rigoureuse.
En parallèle, le contexte géopolitique actuel, marqué par des tensions accrues et des incertitudes, impose de nouvelles priorités. L'annonce par la Présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, de la mise en place du plan ReArm Europe illustre cette dynamique. Ce plan, évalué à 800 milliards d'euros, vise à renforcer les capacités de défense paneuropéennes d'ici 2030, en consolidant les moyens financiers alloués à la sécurité et à la défense.
De plus, le CFP actuel a montré ses limites et est jugé trop rigide, manquant de mécanismes pour répondre rapidement aux crises. Lors de sa refonte, le CFP devrait gagner en flexibilité pour mieux s'adapter aux défis imprévus.
Pour faire face à ces dépenses supplémentaires, l’idée de la création de nouvelles ressources propres est en discussion à Bruxelles. Les ressources actuelles sont insuffisantes pour couvrir de tels engagements financiers. Cette nécessité s'accompagne d'un besoin de diversifier les sources de revenus de l'UE, afin de garantir une plus grande autonomie financière et de réduire la dépendance aux contributions des États membres. En explorant de nouvelles pistes de financement, l'UE pourrait non seulement renforcer sa capacité à répondre aux crises, mais aussi assurer une gestion plus durable et indépendante de ses budgets à long terme. L’idée des ressources propres était déjà prévue dans un accord politique du Conseil européen en 2020. Cependant, les discussions sont au point mort depuis quelques années car certains Etats membres n’ont pas de réelle volonté de créer de nouveaux revenus. La Commission devrait tout de même proposer de potentielles ressources additionnelles en juillet 2025.
D'autres défis majeurs incluent la nécessité de soutenir la transition écologique et numérique, essentielle pour atteindre les objectifs climatiques de l'UE et renforcer sa compétitivité sur la scène mondiale. La gestion des flux migratoires et le soutien aux régions les plus vulnérables constituent également des priorités incontournables.
La Commission européenne a présenté sa position dans une communication du 11 février 2025, détaillant ses priorités pour le prochain CFP. Ensuite, la position française a été dévoilée dans une note des autorités françaises (NAF) le 4 mars. Après plusieurs semaines de commissions et de débats, le Parlement européen a adopté, en session plénière le 7 mai, une résolution concernant les priorités, la structure et les ressources du CFP post-2027. C’est la première institution à avoir adopté une position claire sur le prochain CFP.
Sur certains points, les différentes positions convergent. Par exemple, l'idée de créer de nouvelles ressources propres, permettant de générer de nouvelles recettes, est partagée par la France, la Commission européenne et le Parlement européen. Dans le but de rembourser la dette et répondre aux besoins actuels et futurs, ces nouvelles ressources propres visent à éviter une augmentation des contributions nationales tout en assurant un financement suffisant et durable pour l'UE. Les députés européens défendent d’ailleurs l’idée que le plafond actuel de dépenses, correspondant à 1% du revenu national brut de l’UE, ne suffit pas à faire face au nombre croissant de crises et d’enjeux.
La France soutient aussi les priorités européennes mises en avant par la Commission. Ces priorités incluent la sécurité, la défense, la recherche, l'énergie, le numérique et les matières premières critiques. Elles s'inscrivent dans l'objectif phare de la nouvelle Commission von der Leyen (VDL2) de renforcer la compétitivité de l'UE face à des concurrents mondiaux tels que les États-Unis et la Chine. Dans sa résolution, le Parlement européen met en avant la compétitivité et la sécurité afin de défendre une union sûre pour ses citoyens.
La Commission européenne déplore la complexité et la rigidité actuelles du budget de l'UE, ainsi que la multiplicité des programmes et des règles qui nuisent à l'efficacité et à la transparence. La France et le Parlement européen appuient la simplification de l'accès aux fonds européens et plaident pour une plus grande flexibilité budgétaire afin de répondre plus efficacement aux catastrophes et aux crises, dans un contexte évolutif d’une durée de 7 ans.
La Commission européenne propose de regrouper l'ensemble du budget en trois pôles. La première enveloppe prendrait la forme d’une refonte partielle des programmes sous forme de plans nationaux, permettant à chaque État membre de définir les montants alloués à ces programmes. Cependant, la France et le Parlement européen s'opposent à une refonte de la Politique Agricole Commune (PAC) en plans nationaux, soulignant l'importance de maintenir des politiques et des objectifs unifiés au niveau européen. Le Parlement s’oppose également à une refonte de la Politique de Cohésion - représentant 2/3 du budget. Une seconde enveloppe, le Fonds pour la compétitivité, fusionnerait les différents instruments comme Horizon Europe, InvestEU et le Mécanisme d'Investissement Européen (MIE) pour investir dans la recherche, l’innovation et les projets d’intérêt européen commun. Un troisième fonds budgétaire serait consacré à l’action extérieure, que la Commission européenne souhaite davantage cibler.
Par ailleurs, le Parlement européen insiste sur les objectifs déjà fixés sur le climat et la biodiversité, qui doivent rester transversaux et apparaître dans l’ensemble des fonds. Le Parlement européen insiste également sur les conditionnalités d’accession aux fonds européens, qui permettent la défense des valeurs européennes dans leur utilisation.
La Commission européenne, le Parlement européen et la France défendent une réforme ambitieuse du CFP pour répondre aux défis actuels et anticiper les besoins futurs, tout en respectant les principes fondamentaux de l'UE. La Commission européenne insiste particulièrement sur la nécessité de simplification, bien que les détails concrets de cette simplification restent à préciser.
Les échanges sur l’élaboration du prochain CFP se poursuivront après la publication de la proposition de la Commission européenne, le 16 juillet.
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